Plan du dossier thématique
- Introduction
- Définir le dopage
- Un contexte particulier
- Une pratique longtemps normalisée
- Les 3 incompréhensions vis à vis du dopage
- Le dopage et l’après-guerre
- Un nouveau contexte juridique
- Pourquoi les sportifs se dopent ?
- 6 Facteurs favorisant le dopage
- Exemple du bodybuilding
- Exemple du cyclisme
- Les institutions face au dopage
1. Introduction
Le dopage est souvent abordé comme une phénomène de dérive individuelle. Selon la croyance il n’aurait rien à voir avec le sport et que les vrais sportifs ne se dopent pas. Certains sports comme le dopage ou le bodybuilding ont été particulièrement impactés par le dopage. Cependant la simple dénonciation des sportifs dopés ne permet pas de comprendre le dopage et reste très caricaturale. Ce dossier à pour but de donner à ses lecteurs des éléments de compréhension du phénomène complexe qu’est le dopage. Il s’appuie sur le MOOC Dopage : Sports, organisation, sciences dispensé par l’Université de Lausanne.
2. Définir le dopage
2.1 Un contexte particulier
Définir le dopage commence par l’inscrire dans le temps et dans un contexte particulier. Il n’est pas possible de penser le dopage d’il y a cinquante ans en ayant comme référence les définitions actuelles. En effet dans les années 60, les définitions du dopage étaient en construction et sont donc très différentes des acceptions actuelles. D’ailleurs même aujourd’hui les définitions du dopage sont fluctuantes et ses limites sont toujours en discussion. On peut citer l’exemple du soutien pharmacologique par des produits de récupération qui fait toujours débat.
2.2 Une pratique longtemps normalisée
La vision du dopage la plus largement partagée est la suivante : se doper, c’est tricher en prenant des produits destinés à améliorer la performance. Le grand public est persuadé que ce n’est pas bien, qu’il faut d’abord identifier les tricheurs, puis qu’il faut les sanctionner pour lutter efficacement contre le dopage.
Cependant cette vision est construite sur la base de trois erreurs :
- Premièrement, on se dit que le dopage a toujours existé, que dans la Rome Antique les gladiateurs utilisaient déjà des produits.
- Deuxièmement, on imagine que le dopage est uniquement lié à un manque cruel d’éthique et de professionnalisme. On se dit que les « vrais sportifs » ne se doperaient jamais, que le dopage n’a pas sa place dans le sport.
- Troisièmement, que les sportifs dopés ne pensent qu’à l’argent et qu’ils n’ont rien compris aux valeurs de leur sport.
Ces trois croyances reposent sur des incompréhensions qu’il s’agit de dépasser.
2.3 Les 3 incompréhensions vis à vis du dopage
- Erreur n°1 : Confondre l’utilisation d’un produit et le dopage. En effet dès l’Antiquité, les athlètes cherchaient à améliorer leurs performances mais le dopage n’était pas questionné. Jusqu’au début du XXème siècle la prise de produits n’est perçue que comme une technique d’amélioration ou d’expérimentation de la performance.
- Erreur n°2 : Penser que les vrais sportifs ne se dopent pas. Cette affirmation est fausse d’un point de vue historique. Elle viendrait à considérer que les sportifs qui ont pris des produits dans un contexte légal, ne sont pas des vrais sportifs. Cela suppose aussi que le sportif est le seul acteur impliqué alors que pendant longtemps le dopage était organisé par les institutions sportives et les états. Nous ne sommes donc pas face à des tricheurs, des sportifs dénués d’éthique, mais dans un contexte culturel de production de performances.
- Erreur n°3 : Affirmer que c’est l’argent qui corrompt l’esprit du sport n’est pas une explication opérante. Cet argument ne tient pas face au dopage dans le sport amateur ou pour des raisons esthétiques pour certains bodybuilders.
2.4 Le dopage et l'après guerre
Le début du XXème siècle est marqué par une rationalisation de l’entraînement qui comprend la consommation de produits dopants jusque dans les années 1940. Ce modèle est soutenu par l’industrie pharmaceutique qui prends de plus en plus d’ampleur et le rôle croissant des recherches scientifiques. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour voir venir des changements dans la perception des produits dopants. En effet les années d’après guerre sont marquées par la dégradation de l’état de santé des soldats ayant expérimentés des produits, notamment les amphétamines. Cependant la recherche continue avec la découverte et la mise sur le marché des stéroïdes anabolisants dans les années 50. Il faudra attendre les années 60 pour qu’un changement de mentalité s’amorçe. C’est à partir de ce moment que le dopage commence à poser des problèmes d’ordre éthique et de santé publique.
2.5 Un nouveau contexte juridique
Le dopage est défini légalement comme une ou plusieurs violations des huit règles antidopage suivante.
- Règle n°1 : Avoir dans son organisme une des substance présente sur la liste des interdictions publiée par l’Agence mondiale. Le critère pour être mis sur la liste des produits dopants est que l’usage d’un produit ou d’une méthode est contraire à au moins deux des trois principes suivants. Il est mauvais pour la santé, il améliore les performances, il est contraire à l’éthique sportive.
- Règle n°2 : Utiliser une substance ou méthode interdite, mais aussi tenter d’en faire l’usage. Chaque sportif doit faire en sorte qu’aucune substance interdite pénètre son organisme. Il y a sanction même si ce n’est pas intentionnel.
- Règle n°3 : Refuser ou se soustraire sans justification valable à un prélèvement de sang ou d’urine. Par exemple s’enfuir ou se cacher quand il y a un contrôle antidopage.
- Règle n°4 : Ne pas respecter les exigences de disponibilité. C’est-à-dire que les sportifs professionnels doivent fournir des renseignements sur leur localisation pendant une heure par jour, et ainsi se rendre disponibles pour les contrôles hors compétition. C’est ce qu’on appelle les whereabouts.
- Règle n°5 : Falsifier ou tenter de falsifier tout élément du processus de prélèvement ou d’analyse des échantillons. Certains sportifs avaient des fioles d’urines dissimulées, pour donner une urine propre lors des contrôles.
- Règle n°6 : Être en possession de substances ou utiliser des méthodes interdites pour les sportifs et les membres du personnel d’encadrement.
- Règle n°7 : Être impliqué dans du trafic de substances ou de méthodes interdites.
- Règle n°8 : Administrer ou tenter d’administrer une substance ou d’une méthode interdite à un sportif. Si vous aidez ou incitez à prendre un produit, vous êtes en faute.
- Règle n°9 : Assistance, incitation, contribution, conspiration, dissimulation ou toute autre forme de complicité intentionnelle implique une violation des règles antidopage, une tentative de violation des règles antidopage.
- Règle n°10 : S’associer au titre personnel ou sportif, à une autre personne soumise à l’autorité d’une organisation antidopage ou à un membre du personnel d’encadrement du sportif, qui aurait été coupable d’une violation des règles antidopage.
3. Pourquoi les sportifs se dopent ?
3.1 Les facteurs favorisant le dopage
Pour cette partie je m’appuierais sur les travaux de Barrie Houlihan dans son livre Sport and Society et de Letizia Paoli et d’Alessandro Donati dans leur livre The Sports Doping Market. La lecture croisée de leurs travaux permettent d’identifier 6 facteurs favorisant le dopage.
Les sportifs évoluent dans une culture de l’excellence dans laquelle seule la victoire est valorisée. Cette réalité est renforcée par le déclin du sport comme loisir et de l’importance démesurée donnée au résultat.
La société depuis le XXème siècle est de plus en plus médicalisée. Les produits d’amélioration de la performance, physique ou intellectuelle, sont banalisés. Des complexes de plantes stimulantes pour le stress au viagra pour les performances sexuelles, en passant par les hormones de croissance contre le vieillissement… Dans une société basée sur la performance il peut paraître bien difficile de faire du sport un espace protégé de la présence de produits stimulants.
L’implication de la médecine du sport dans la persistance d’une vision mécaniste du corps du sportif. En effet depuis les années 1960 la médecine élabore des techniques d’amélioration des potentialités physiques des sportifs. Les travaux en médecine du sport participent davantage en mon sens à produire de la performance plutôt qu’à soigner.
La politisation du sport depuis la Seconde Guerre Mondiale confère aux sportifs un statut particulier vis à vis de leur pays. Ce rôle de défense d’une certaine idéologie a conduit certains états à faciliter ou imposer le dopage à leurs athlètes. Ils ont également donné une légitimité aux sportifs les incitant à aller très loin dans leur préparation pharmacologique.
La marchandisation et la professionnalisation de nombreux sports a eu pour conséquences d’exploser à la hausse les flux financiers dans le sport. Les profits économiques liés à la performance peuvent être tels qu’ils peuvent inciter à prendre des produits dopants. À cela s’ajoute le développement d’internet qui a facilité la distribution et l’accessibilité des produits.
L’accroissement de la médiatisation du sport a favorisé le développement d’une économie de la célébrité. Le profit symbolique d’un titre sportif, une médaille aux jeux olympiques par exemple, peut changer une carrière sportive, une vie.
Aucun de ces arguments évoqués n’est suffisant. Par exemple, on affirme facilement que l’argent du sport explique le dopage. Mais que faire des cas de dopés dans les sports amateurs sans argent, ou de certains body-builders qui prennent des produits sans même pratiquer la compétition ? Ces différents facteurs forment des conditions favorables mais ne suffisent pas à expliquer le dopage. Ils permettent juste de dire que ce n’est pas seulement une faute morale du sportif et qu’il y a des facteurs bien plus larges.